Souffrances psychiques, suicide et euthanasie. Chemin solitaire, douloureux, atroce, humiliant du suicide. Mourir avec dignité, sereinement entouré ou offrir une dernière chance à la vie ? Combien d'opportunités manquées annuellement en Belgique ?

Des chiffres de la slide 41 de la Présentation Power Point que le Dr. Lieve Thienpont a utilisée lors de son audition par la Commission réunie de la Justice et des Affaires sociales du mercredi 15 mai 2013 au Sénat, il ressort : " En Belgique, chaque jour, en moyenne 7 suicides, 90% avec des problèmes psychiques". ( Ndlr. pour info : La Belgique détient un des taux de suicide les plus élevés d'Europe. Il s'agit d'un fait de société qui interpelle inévitablement.)

 

Vous avez bien lu : " En Belgique, chaque jour, en moyenne 7 suicides, 90% avec des problèmes psychiques".

 

Il faut garder bien en vue ces données pour comprendre l'enjeu de donner à la vie une dernière chance comme il est témoigné sur le slide 5  : " Alors j'ai décidé de choisir l'euthanasie et j'ai été écoutée en cette demande. Cela a procuré le repos en ma tête. Avoir maintenant cet avis positif en poche représente pour moi une énorme consolation. J'ai alors décidé d'offrir encore une chance à la vie. La dernière."

Ce témoignage est une raison plus que valable d'aborder "l'euthanasie", de communiquer à son sujet  et/ou de donner un avis favorable lorsque le patient demande à être euthanasié alors qu'il répond aux exigences telles que prévues par la Loi. Une telle démarche nourrit un dernier espoir autant pour le patient que pour ses proches. Elle est importante pour préparer les proches au choix du patient.

 

Chaque année 2.299 personnes avec des problèmes psychiques se suicident en Belgique. Est-ce une fatalité? Combien d'entre elles ne pourraient être "sauvées" si la question "suicide" versus "euthanasie" avait été abordée avec elles ? Avec leurs proches?  

 

Le Power Point du Dr. Lieve Thienpont livre quelques témoignages poignants et convaincants, ou des sous-titre explicites :

 - "Je souhaite être libéré de ma souffrance. Le suicide est douloureux et/ou atroce et/ou sanglant et à tous égards humiliant. Je souhaite mourir avec dignité. Cela suffit. Aidez moi s'il vous plaît." Patient.

 - "Alors j'ai décidé de choisir l'euthanasie et j'ai été écoutée en cette demande. Cela a procuré le repos en ma tête. Avoir maintenant cet avis positif en poche représente pour moi une énorme consolation. J'ai alors décidé d'offrir encore une chance à la vie. La dernière." Otje : Gazet Van  Antwerpen samedi 19 et dimanche 20 novembre 2011.

 - "A la lisière de la mort on a le regard plus aigu." Sous-titre.

 - "Point de non retrour / Difficile d'accepter les limites de notre savoir / Impuissance." Sous-titre.

 - "Nous t'avons laissé partir à contre coeur". Image commémorative du patient.

 - " Tout s'est déroulé de manière sereine en présence des amis et de la famille, les infirmières ont assuré une ambiance tranquille et ont également fourni un soutien à la famille." Mail médecin de famille.

 - "Maman, ne pourrais-tu toi m'aider alors ?"

 - Le chemin solitaire du suicide.  Mourir affectueusement entouré. Sous-titres

 - "Papa, ne peux-tu vraiment pas m'aider à mourir?"

 - "Résistance au sein du personnel soignant pour assimiler l'euthanasie. Opportunité manquée. Dialogue, communication. Diagnostic complémentaire/ aide. Espoir, perspective. Décision en communication. Mourir sereinement et entouré." Sous-titres.

 - Le droit à l'information. Le droit à la liberté de conscience du médecin ... ne pèse pas lourd opposé au très fort et jugé crucial droit du patient à l'information." Evelien Delbeke, Juridische aspecten van zorgverlening aan het levenseinde, 2012 pg 210.  

 - Obligation de diriger / d'orienter. Si le médecin traitant ne veut ou ne peut, pour quelque raison que ce soit,  assumer la demande d'euthanasie, il/elle devrait être obligé(e) légalement et déontologiquement de diriger le patient vers un médecin réceptif. Une orientation appropriée peut éviter bien des souffrances superflues.

 - Obligation de transférer le dossier du patient. Si cela se fait, le médecin qui a refusé l'euthanasie, doit, à la demande du patient ou de sa personne de confiance, transférer le dossier du patient au médecin qui est désigné par le patient ou par sa personne de confiance. Evelyn Delbeke, p. 211.

 - "assistance au suicide" et "fatigue de la vie" : thèmes connexes.

Comme le Dr. Lieve Thienpont le précise lors de son interview dans la revue Bodytalk : "Pour les personnes qui ne voient plus d’autre issue à leurs problèmes, savoir que leurs souffrances et leur désir d’en terminer ont été entendus apporte un immense sentiment de soulagement et d’apaisement. Le simple fait de savoir qu’on a les rênes en main et qu’on est libre d’en finir peut même à lui seul représenter un tournant : dans plus de la moitié des cas, les patients qui demandent l’euthanasie pour cause de souffrances psychologiques décideront finalement de continuer à vivre."

 

Communiquer au sujet de l’euthanasie avec les patients et leurs proches est porteur d’espérances dans des directions totalement différentes. D’une part – très éloignée du chemin solitaire, douloureux, atroce et humiliant du suicide – existe, si le choix du patient pour l'euthanasie est inéluctable, la possibilité légale de mourir avec dignité, sereinement entouré. Cette possibilité essentielle d’adieux adouci les sentiments de culpabilité que pourraient ressentir le patient vis-à-vis de ses amis et de ses proches et facilite le processus de deuil de ceux-ci. D’autre part, existe une autre, à ne pas sous-estimer, perspective chargée d’espoir, celle d’offrir une dernière chance à la vie. Car dans plus de la moitié des cas, les patients qui demandent l’euthanasie pour cause de souffrances psychologiques décideront finalement de continuer à vivre.