Cinquième rapport de la commission euthanasie (2010 - 2011)
J'ai assisté ce mardi 11décembre 2012 après-midi (14h15, Salle K) à la présentation du Cinquième rapport (2010-2011) de la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie aux Chambres législatives.
En ce qui concerne des cas comme celui d'Edith, il en ressort que :
(i) les statistiques ne reprennent pas les cas de patients en souffrances psychiques qui se sont suicidés après avoir reçu une information inappropriée ou s'être vu refuser une euthanasie. Combien de suicides résultent annuellement d'une mauvaise application de la Loi sur l'euthanasie et de la Loi sur les droits du patient ? Parce que ces personnes ne connaissaient pas ces Lois ? Parce qu'elles ne savaient pas qu'elles pouvaient bénéficier d'une assistance médicale pour mourir ? Parce que leurs médecins traitants n'étaient pas au courant de ces Lois ? Parce que pour diverses raisons leurs médecins traitants leur ont fourni une information erronée ? Parce que leurs proches non plus n'ont pas été informés ? De quelle manière ces cas pourraient-ils être pris en compte dans les évaluations futures ? Ne serait-il opportun d'inclure explicitement une telle question lors de la prochaine évaluation annuelle ? Afin de disposer d'une image plus complète sur l'application ou la non aplication de la Loi sur l'euthanasie ? ;
(ii) en cas de refus, la question reste posée de l'obligation de "diriger le patient" qui demande à être euthanasié pour souffrances psychiques vers là / les spécialistes ou les institutions de « fin de vie » où il pourrait être aidé, où il pourrait être répondu à ses questions. Actuellement c'est au patient lui-même à chercher un autre médecin en cas de refus!!! Est-ce admissible alors que le patient est déjà au plus profond de sa détresse et qu'harcelé par la maladie ses capacités d’assertivité sont réduites ! Ne s’agit-il d’un traitement inhumain ? De tortures inutiles? Si un médecin refuse alors ne serait-ce l’obligation de l'institution de prendre la relève! Combien de temps faudra-t-il encore tolérer une telle "non assistance à personnes en souffrances"?
(iii) l'information de la population et la formation des médecins et des psychiatres en particulier restent d'actualité. Bien qu'il existe des initiatives, des actions d'information plus explicites devraient être généralisées à destination des citoyens et du corps médical. Bien que le thème de "fin de vie " est abordé dans certains cours universitaires thématiques et parfois facultatifs, ne devrait-il pas être intégré comme thème spécifique au cursus universitaire obligatoire général des futurs médecins et infirmiers?
(iv) selon quelles règles bioéthiques est traitée une personne en grandes souffrances psychiques qui se voit refuser l'euthanasie alors qu'elle remplit les conditions prévues par la Loi sur l'euthanasie ? Quelle règle de déontologie impose de ne lui accorder qu'une médication palliative, extrêmement difficile à doser, qui, du fait des hauts et des bas psychiques et physiques ainsi provoquée, ne fait que prolonger ses souffrances, prolonger sa lente et pénible agonie ? Combien d'années va-t-on encore admettre un tel traitement de patients en phase terminale de leur maladie?
Divers thèmes ont été abordés durant les échanges qui ont suivis cette présentation :
- rares sont les patients euthanasiés pour souffrances psychiques uniquement. Dans la plupart des cas les souffrances psychiques et physiques sont mentionnées dans la même déclaration d'euthanasie;
- la Loi ne précise pas la manière dont l'euthanasie doit être pratiquée;
- le mot "serein" est le mot le plus utilisé pour décrire l'ambiance entourant une euthanasie. Un médecin ayant précisé : ... la mort la plus sereine de toute ma carrière ... ;
- disparité entre % d'euthanasie entre partie (F) et partie (N) du pays. Quelles en seraient des causes? Les médecins francophones font peu d'euthanasies. Il y a moins de demandes en région francophone. Les demandes y sont moins bien accueillies par les médecins. Il convient dès lors : (i) d'éduquer la population; (ii) de mieux informer les médecins. Les médecins francophones sont moins à l'aise que les néerlandophones. Il existe le "Forum End Of Life - EOL". Il groupe actuellement une centaine de médecins qui se sont particulièrement intéressés à la question de la gestion de "la fin de vie" et qui ont suivi une information brève mais spécifique sur cette question. Les législations belges relatives à la fin de vie (loi relative aux droits du patient, loi relative à l’euthanasie, loi relative aux soins palliatifs) ont élargi le domaine d’intervention du médecin mais leurs dispositions ne sont pas toujours bien connues. Le problème en partie (F) n'est pas un problème de conscience mais plutôt de crainte devant un acte pas ou peu connu, pour lequel il n’y a jamais eu de formation ou qui n'a jamais été pratiqué. En région flamande il existe un forum d'information ou "Levens Einde Informatie Forum -LEIF" créé dès le vote de la Loi. Il a également formé les médecins. Le corps médical en Flandre est formé et informé. La revue "Leifblad" en est à sa 6ème édition. Elle est distribuée gratuitement via les pharmacies. Nombreux sont cependant les médecins qui ne comprennent pas les soins palliatifs, ni l'euthanasie. Une information complémentaire sur "la fin de vie " est donc nécessaire. Il faut voir toute cette problématique dans un ensemble "la fin de vie" . Il est important de prévoir dans la formation universitaire en régions (F) et (N) des formations obligatoires concernant "la fin de vie";
- ne serait-il opportun d'augmenter la durée de vie des "testaments de vie"? Des déclarations uniques ?;
- lien entre refus d'euthanasie et incitation au suicide. Ce fut le cas d'Edith. Ils semblent nombreux car ils ne sont pas repris dans les statistiques sur l'euthanasie. Combien de suicides résultent d'une mauvaise application de la Loi?;
- adapter la Loi, oui, mais une Loi ne doit être trop précise, elle doit rester normative et "abstraite";
- clause de conscience des médecins, des institutions... ;
- quelle différence entre sédation palliative et euthanasie : la sédation palliative / coma artificiel (avec questions telles : Avis du patient? Avis de ses proches et processus de deuil ? ) intervient en fin de parcours alors que l'euthanasie (sur demande du patient ) consiste à mettre fin à la vie. La sédation palliative est beaucoup plus élevée en région francophone que flamande. Actuellement il y a beaucoup plus de sédations palliatives (de 8.000 à 16.000) car les médecins seraient plus empathiques ou qu'ils l'utiliseraient comme substitut à l'euthanasie . Le dosage sous cutané de la sédation palliative est peu aisé. D'où risques d'erreurs et de souffrances accrues. En Belgique (F) les chiffres bas sur l'euthanasie seraient-ils dus à une faiblesse / un manque de "rapportage"?
- existe-t-il des problèmes de conflits potentiels entre volonté du patient et avis de ses proches? En ce qui concere le processus de deuil par exemple ?;
- qu'advient-il des cas de "non réponse" pour "clause de conscience" ou "espace de liberté" à des demandes d'euthanasie, n'échappent-ils pas aux statistiques ?;
- il faudrait une obligation de "diriger le patient" vers là / les spécialistes de « fin de vie » où il peut être aidé, où il peut être répondu à sa question (verwijsplicht). Actuellement c'est au patient à chercher un autre médecin en cas de refus!!! ;
- un médecin ne pourrait-il refuser de "diriger le patient"? Si tel est le cas alors ne serait-ce l’obligation de l'institution que de prendre la relève!
- apporter de l'attention à "l'obligation de diriger le patient" en cas de "non réponse";
- qu'en est-il des mineurs et des déments?
- il n'y a pas eu de réelle "évaluation de la Loi" et de ses lacunes.
- le cas de Hugo Claus : vu sa maladie, quelques semaines plus tard il n'aurait peut-être plus pu être euthanasié.
- la Loi a défini l’euthanasie d'une certaine manière (mettre fin à la vie de quelqu'un à sa demande). Il faudrait peut-être une autre Loi pour les cas où la demande du patient n'est pas ou plus possible (mineurs, démences, cancers cérébraux...). Ne pas mélanger les deux au risque de déforcer ce qui est acquis.
- effet émancipatoire de la Loi ;
- acharnement thérapeutique / therapeutische hardnekigheid;
- il y a 25 ans les cliniques prétendaient ne pas avoir besoin de soins palliatifs (car personne ne mourrait chez eux !!!) alors qu'aujourd'hui elles disent ne pas avoir besoin d’euthanasie. Cela démontre l’évolution des mentalités. Il reste du travail à faire.