Suite au témoignage des sœurs Nys, et au débat qui en a suivi dans les médias, nous sommes fort préoccupés par le fait que l’ensemble de la législation sur l'euthanasie sur base de souffrance psychologique soit remise en cause. Lettre Ouverte.

Selon "DeRedactie.be VRTnieuws" du  mardi 2 Février 2016 : "Il y a cinq ans, Tine Nys a été euthanasiée sur base de souffrance psychique. Sa famille se pose encore toujours des questions quant à la manière dont cette euthanasie fut exécutée. Dans "Ter zake" c’est pour la première fois que ses sœurs témoignent de leur histoire. Surtout de l'attitude du médecin qui a pratiqué l'euthanasie, qui les tracasse énormément."

Tine Nys est décédée il y a cinq ans. Elle a demandé l'euthanasie en raison de souffrance psychique sans espoir. A-t-elle bénéficié de toute l’aide à laquelle elle avait droit ? Lui a-t-il été donné trop rapidement une réponse positive à sa demande d’euthanasie ? Telles sont les questions que se posent les sœurs de Tine cinq ans après sa mort. C’est la première fois qu’elles racontent leur histoire parce que, selon elles, dans l'application de la Loi sur l’euthanasie, certaines choses qui transcendent l'histoire de leur famille vont mal.

"Remettre en cause toute la Loi sur l’euthanasie sur base d’un cas regrettable, c'est manquer de nuances " selon la  ministre de la Santé Maggie De Block (Open VLD). C’est ce qu’elle a  répondu au Parlement aux questions faisant suites au largement débattu  reportage sur TerZake. S'il y a un débat au Parlement, cela doit à son avis se faire de la manière la plus transparente, même si elle a mis en garde "de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain".

Nous, Linda, Steven, Mia, Pierre Pol, Lidia et Lin, parents de membres de nos familles bien-aimées en souffrance psychologique sans espoir, avons également vu et ou entendu l’émission Ter Zake  ou lu à propos de plaintes contre les médecins et de critiques sur la loi. Nous avons également suivi avec attention le débat dans les médias découlant des témoignages des sœurs Nys. C’est pourquoi, ensemble, nous avons cosigné une lettre ouverte.

Ce soir, le jeudi 11 Février, 2016, il était question de cette lettre ouverte à  "Het Journaal 7" ( entre 12 : 42 et 15 : 34 ). Des parents de patients qui ont bénéficié d’une euthanasie en raison de souffrances psychiques insupportables sont préoccupés par les doutes qui ont grandi autour de la Loi sur l'euthanasie. Cela fait suite au témoignage "Ter zake" de deux soeurs au sujet de l’euthanasie d’une troisième sœur et de ce qui pouvait être lu à ce sujet dans la presse. Dans une lettre ouverte des familles d’autres patients demandent de ne pas banaliser l’euthanasie pour souffrance psychique insupportable et de maintenir l'euthanasie pour souffrance psychique comme une possibilité. Leurs témoignages peuvent être vu et entendu via "De Redactie.be".

Voici notre lettre ouverte du 11 février 2016 :

Chers,

Suite au témoignage des sœurs Nys dans les médias, nous sommes très préoccupés par la manière dont l'ensemble de la législation sur l'euthanasie sur la base de la souffrance psychologique risque d’être remise en cause. Egalement par la manière dont sont traités les médecins qui s’engagent à aider les personnes en souffrances psychiques insupportables à mourir, ce qui nous heurte profondément.

Avec un certain nombre de personnes nous souhaitons témoigner du fait que la souffrance psychique insupportable et sans perspective existe et, aussi difficile que soit la séparation, quelle bénédiction qu’un adieu serein et aimant soit rendu possible.

Mais aussi ce que cela signifie quand cette possibilité n’est pas offerte. La terrible souffrance pour le patient et sa famille lorsque les demandes d'euthanasie ne sont pas entendues.

Nous tenons également à témoigner de la manière dont, avant de passer à l'euthanasie, les médecins tentent d'abord de tout entreprendre pour vérifier s’il n’existe vraiment pas d’autres alternatives.

Nous estimons qu'il est important de dire que le simple fait de savoir que cette aide est disponible, offre déjà en soi du calme et de l’espace pour se concentrer à nouveau sur la vie ou, lorsque la mort est inévitable, pour se préparer à une séparation digne.

Nous espérons vivement que vous pouvez nous offrir un forum où nous bénéficierons du temps nécessaire pour apporter notre témoignage.

Très sincèrement.

Témoignage personnel de Linda, la maman de Leks, et de Steven, son frère :

Je me rends compte maintenant, de plus en plus chaque jour, combien notre fils a fait des efforts pour associer toute la famille dans son dernier trajet de vie. Mais cela n'a été possible pour lui que grâce à votre aide. Soyez en convaincu. Il a demandé notre bénédiction pour partir, mais lui et nous nous sommes bénis que cela ait pu se passer de cette manière. Alex n’était pas quelqu'un qui parlait ou écrivait beaucoup, mais il se consolait en prenant la peine de nous écrire à chacun d’entre nous une petite carte qui affichait « beaucoup de force ». Quand il nous remettait sa carte sous enveloppe fermée, il disait : "Si cela vous devient aussi difficile et que vous éprouvez du chagrin, lisez ma carte, relisez là jusqu’à ce que vous en soyez apaisés. » C’est parce que ce texte reflète clairement le fond de la question de l'euthanasie, que je désire le partager avec vous.

Très chers maman et papa,
Je ne peux pas imaginer de meilleurs maman et papa. J’ai bénéficié de vous de toutes les opportunités, possibilités, de l'amour et l’affection. Lorsque j’avais un problème, je pouvais toujours être écouté par vous. Je vous l’ai peut-être trop peu dis, mais je vous aime beaucoup. Plus que quiconque. Ne soyez pas trop triste lorsque je ne serai plus là, parce que rappelez-vous toujours que la douleur de la vie était trop grande pour moi pour continuer mon chemin et que ceci était mon propre choix.
Je vous aime beaucoup et sincères remerciements pour tout ce que vous m’avez donné.
Lekske T.

Je tiens également à dire que nous sommes prêts à témoigner de la bonne pratique sous toutes ses facettes pour mettre fin à la vie de Leks.

Témoignage personnel de Mia, amie de Koen :

Je partage entièrement votre préoccupation et veut continuer à témoigner dans l'espoir que les gens en souffrance psychologique insupportable et sans espoir soient entendus.

C’est avec gratitude que je continue à contempler derrière moi la manière affectueuse par laquelle nous avons pu nous dire au revoir.

Après de nombreuses tentatives de suicide, ce fut un précieux héritage.

Témoignage personnel de Pierre Pol Vincke, papa d'Edith :

J’ai bien entendu les témoignages des sœurs de Tine. Je peux parfaitement comprendre leurs souvenirs douloureux et leurs questionnements. Elles ne veulent néanmoins pas abolir l'euthanasie. Il s’agit cependant d’une donnée irréversible. Voilà pourquoi elles sont d’avis que l'euthanasie devrait être mieux encadrée.

Après de tels témoignages, il suit une fois de plus à travers les médias, un débat compréhensible et à encourager autour de l'euthanasie et en particulier de l'euthanasie en cas de souffrance psychique.
Il faut néanmoins éviter que pour d’obscures raisons personnelles, politique, idéologique… l’attention du public soit détournée de ce qui, pour les personnes en profonde et désespérée souffrance psychique et leurs familles, est réellement en jeu.
Personnellement, je suis prêt à témoigner afin d'éviter que le débat public sur l'euthanasie en cas de souffrance psychique ne soit dominé par des intervenants qui n’écoutent pas les principaux concernés. Les personnes en détresse psychique elles-mêmes. C’est à leur voix que doit être donné la priorité.

L'histoire d'Edith, ses 18 ans de calvaire, peuvent être lus dans le blog qui lui est dédié : www.edithvincke.be

Je ne guérirai jamais papa. Ma maladie m’use physiquement et psychiquement. Je ne puis et ne veut plus subir cela.

Combien de fois Edith n'a-t-elle pas supplié pour l'euthanasie! Mais le corps médical est resté sourd. Nous, ses parents n’avons pas non plus pu / voulu entendre son appel au secours. Nous avons suivi les conseils des médecins.

Le 3 Novembre 2011, dans l'établissement psychiatrique où elle résidait, elle a elle-même procédé d’une façon terrible et brutale, à sa propre euthanasie. Avec un rasoir, elle s’est ouvert la gorge.

Dans De Morgen du 9 Décembre, 2015, sous le titre “Lezers reageren: De ernst van psychisch lijden wordt weer eens zwaar onderschat” je lis une sélection de réactions de lecteurs. Je me sens particulièrement proche des réactions de ces lecteurs, en particulier de celle d’Hugo Besard de Brasschaat :

Notre fille. Contrairement aux hommes et femmes professeurs qui connaissent la souffrance psychique de par leur expérience professionnelle en tant que soignants, nous savons malheureusement trop bien ce que cela signifie réellement une souffrance psychologique insupportable avec l'accent mis sur «insupportable». Notre fille voulait mourir et à quiconque qui voulait l'entendre, elle n’a eu de cesse de le répéter inlassablement. D’une belle jeune fille, extrêmement douée, intelligente, cultivée, lettrée, sportive, musicale et brillamment talentueuse, elle a, par cette agonie au cours d’années exténuantes et sans fin, été réduite en une épave humaine. Après des mois de séjours dans toutes sortes d'institutions psychiatriques nous avons à chaque fois nourris une lueur d'espoir d'amélioration, qui se révéla en peu de temps être un vœu pieu. Durant plus de quinze ans, elle a, et nous en tant que famille, les parents, sœurs, grands-parents, vu et ressenti jusque dans nos plus infimes fibres, l’enfer et la torture psychologique. À l'âge de 33 ans,  psychologiquement torturée à mort dans des conditions épouvantables, elle est décédée dans un service hospitalier de soins palliatifs. Cette souffrance inhumaine, cette douleur indicible, nous ne la souhaitons à aucun être humain. Si nous avions alors trouvé un psychiatre / médecin compétent qui était prêt à pratiquer l'euthanasie, alors nous aurions pu la délivrer beaucoup plus tôt de sa terrible souffrance. Mesdames et messieurs les professeurs, vous n’avez pas le droit de banaliser cette souffrance sans espoir. S'il vous plaît, appliquez la Loi d’une manière telle que des gens désespérés et sans espoir trouvent plus facilement leur chemin vers l'euthanasie et des psychiatres / médecins  compatissants.

Témoignage personnel de Lidia, amie d'Adriaan :

J'ai l'impression que maintenant certaines personnes passent par-dessus le dos de ces patients pour tenter de marquer des points au profit de leur propre programme / carrière (politique). Cela est vraiment triste et désagréable. Je veux témoigner sur les bonnes pratiques et raconter l'histoire d’Adriaan et son calvaire.

À mon avis, il n'y a qu'une seule façon de faire maintenant face à cette campagne -« anti-euthanasie », à savoir bien informer le public sur la vérité / réalité de la souffrance psychique insupportable, sur les véritables histoires des patients et de leurs familles qui sont reconnaissants que cette possibilité existe.

Témoignage personnel de Lin, fille d'une maman euthanasiée :

Bien sûr, ma mère me manque, mais je suis à 100% en paix avec son choix et avec les médecins qui ont rendu cela possible pour elle.
L'idée de comment cela se serait passé si elle n’avait pas obtenu l'euthanasie, se heurte en moi à bien plus de résistances.