La souffrance psychique à la fois insupportable et intraitable existe bel et bien.

 

"La souffrance psychique à la fois insupportable et intraitable existe bel et bien. C’est le grand mérite de Lieve Thienpont de nous le montrer et d’ainsi donner une voix au patient". – Wim Distelmans, 2015.

 

Cependant, ces dernières années, dans les médias, je constate régulièrement que des psychologues et/ou psychiatres rejettent cette dimension à la fois insupportable et intraitable de certaines souffrances psychiques. Ils critiquent sans vergogne des diagnostics posés par des collègues, d’autres psychologues et/ou psychiatres. Allant jusqu’à ne pas hésiter à poser des diagnostics de vive voix et à distance. La main sur le cœur, adoptant le ton de la sincérité. Ils font cela avec les visages et les expressions corporelles de la certitude, de ceux qui savent.

Eux savent.

Comment peuvent-ils savoir ? Que peuvent-ils savoir de la souffrance psychique de personnes qu’ils ne connaissent pas, qu’ils n’ont pas vues, qu’ils n’ont pas entendues, qu’ils n’ont peut-être même jamais reçues en consultation ?

Comment osent-il affirmer qu’eux ils les traiteront, qu’eux ils leur assureront une vie digne durant de nombreuses années ?

Au plus profond de moi, j'aimerais tant pouvoir les croire ! J'aimerais tant pouvoir me convaincre que la souffrance psychique est traitable et qu’une rédemption est toujours possible !

Papa d’un enfant qui s’est suicidé au sein d’une institution psychiatrique après des années de souffrances psychiques, j’en reste bouche bée.

Muet.

Je ne sais pas si je dois me réjouir de tels propos ou m’en inquiéter ?

Confident de parents dont un enfant s’est suicidé après des années de traitements, je suis interpellé.

Leurs enfants auraient-ils fréquentés de mauvais thérapeutes, « reçus / subis » de mauvais traitements, des traitements expérimentaux, sur base de diagnostics erronés ?

Existe-t-il donc des thérapeutes compétents qui ont eux le savoir et les compétences pour endiguer le taux important de suicides en Belgique ?

Sept par jour, dont six pour souffrances psychiques ?

Où sont-ils ces thérapeutes pétris de certitudes alors que tant de personnes souffrent psychiquement et se suicident en Belgique, alors que tant de familles belges sont confrontées chaque jour avec les pensées suicidaires ou pire encore avec le suicide d’un proche ?

N’est-il pas grand temps que ces colporteurs de traitements miracles battent leur coulpe devant l’indicible / l'indescriptible souffrance psychique vécue par certains ?

Est-ce vraiment en critiquant les demandes d’euthanasie, en culpabilisant une fois de plus les demandeurs d’euthanasie, en leur déniant le vécu d’une souffrance psychique sans espoir, en refusant d’écouter l’intensité de leurs souffrances, en aggravent ainsi leur sentiment d’exclusion, qu’ils leur offriront des jours meilleurs, qu’ils leur garantiront des perspectives de vie digne ?

Est-ce vraiment en diabolisant les rares médecins qui les écoutent, qui valident leurs souffrances psychiques, qui, dans le respect de la Loi et dans le cadre d'une collaboration interdisciplinaire, les accompagnent tout au long du chemin lent et complexe - qui seulement très rarement mène à l’euthanasie - que l’on va réduire le nombre de suicides ?

N’est-il pas franchement grand temps de donner la parole aux personnes en souffrance psychique à la fois insupportable et sans espoir et de les écouter, de prendre le temps de les écouter, sans les interrompre, sans les juger, sans formuler de phrases assassines, sans les culpabiliser, sans les interner hâtivement et les placer préventivement sous de lourdes médications qui les déresponsabilisent, qui leur fait perdre toute estime de soi, qui les exclus de la société, qui en ne leur garantissant pas une vie digne, les exclus définitivement de la vie.

En lisant ces débats autour de ce qui s'apparente plus à de choquants combats de chefs qu'à des rencontres entre experts, je me demande si le monde médical ne s’écarte pas des vrais enjeux qui consisteraient à écouter les personnes en souffrance psychique  insupportable et sans espoir pour, avec elles et leurs proches, définir les voies à suivre pour composer un accompagnement à la carte qui, faute de leur reconnaitre le droit à une mort digne,  leur assurerait les perspectives d'une vie digne.

A lire les statistiques sur le suicide en Belgique, je constate qu’il y a plus que du pain sur la planche et qu’il est temps que tous les thérapeutes, tous, unissent leurs compétences et travaillent ensembles pour donner aux personnes en souffrance psychique  des raisons de croire en une possible rédemption. Et pour celles dont il s’avère qu’il n’y a pas de possible rédemption, alors, au moins, leur assurer que la possibilité existe d'une mort digne par euthanasie.

Pierrot, le papa d’Edith.
 

A toutes fins utiles, quelques données sur le suicide en Belgique :

Avec un taux de suicide de près de 19 pour 100.000 habitants, la Belgique se situe au-dessus de la moyenne européenne, estimée à 12 pour 100.000 habitants. De façon générale, il semblerait que les chiffres disponibles sous-estiment le nombre réel de suicides…

le suicide est la 7ème cause de décès parmi  les autres causes de décès, mais la première cause «externe», ce qui signifie que le nombre de décès par suicide est supérieur au nombre de décès par accidents de la route, chutes accidentelles et autres accidents…


Selon l’OMS, En 2012, la Belgique présentait un taux de décès par suicide parmi les plus élevés au monde.

Selon Katia Chapoutier, 2018 : « Chaque suicide impacterait au moins 40 personnes dans l’entourage. »